HÉLOÏSE, GRANDE VOYAGEUSE DEVENUE NOMADE. INSPIRANTE ET ÉTONNANTE !
RENCONTRE AVEC HÉLOÏSE
Lors de mon voyage en Colombie, à Filandia, dans la région du café, j’ai rencontré Héloise.
Avec ma copine Laurie, nous avions pris une chambre pour quelques nuits, dans une auberge adorable, le Bidea Hostel. Le genre d’endroit où l’atmosphère est apaisante et où l’ambiance est familière. On s’y sentait bien, comme à la maison. Nous avions pris une chambre partagée, avec 4 lits. Un après midi, on y découvre la présence d’Héloïse. On papote, on fait connaissance, on accroche bien, ok nous voilà copines !
Les quelques jours passés ensemble étaient vraiment chouettes. Nous nous sommes d’ailleurs revues depuis… en France cette fois. Le hasard fait bien les choses, Héloïse a de la famille à Metz, je vis alors à Nancy !
Dans son récit, elle raconte (une partie) de son expérience de voyage, et surtout ce qui se passe dans son corps et dans sa tête de Grande Voyageuse.
Elle est vraie, nature, authentique, spontanée, je l’adore.
C’est un plaisir de la lire… et pourquoi pas une inspiration 😉
HÉLOÏSE NOUS RACONTE
Combien de temps as-tu voyagé Héloïse ?
J’ai commencé à voyager à 18 ans, mais au début entre les études, mon travail, mon copain etc, je partais seulement 2 semaines d’affilées maximum, toujours seule, 1 à 3 fois par an.
Depuis près de 3 ans en revanche, je voyage presque en permanence : je suis juste restée 4 mois à Rouen l’été 2017 pour travailler, et 3 mois en région parisienne l’année dernière, pour travailler et vendre ma maison. Tout le reste était au jour le jour.
En résumé je voyage souvent depuis longtemps, je suis nomade depuis presque 3 ans, et suis officiellement « SDF » depuis la vente de ma maison en été 2018.
Je me suis acheté un fourgon en août 2018, qui contient toutes mes affaires, dans lequel j’ai vécu 6 mois avant de partir en Asie. Ensuite pendant quelques mois, j’ai vécu sur un bateau à Mayotte.
Combien de pays as-tu traversé ?
Je viens d’en compter 44. En Europe, Afrique, Asie, Amérique du Nord, centrale, du Sud ; et plein d’îles que je serais bien en peine d’assimiler à un continent ou un autre.
Qu’est ce qui t‘a donné envie de voyager sur une longue durée ?
Je ne voulais plus faire juste du tourisme. Je voulais voyager. Je ne voulais plus « consommer » du voyage, mais vivre autrement. Je n’aime pas la routine, je peux vite m’ennuyer. J’ai donc fini par tout lâcher et partir sans date de retour.
Je ne voulais plus juste changer d’endroit, mais découvrir le monde, les différentes cultures et manières de vivre ; connaître d’autres fonctionnements culturels, politiques et économiques. Je voulais mieux me connaître moi-même également, et apprendre à vivre avec le strict minimum d’effets personnels, m’adapter en permanence à de nouveaux environnements.
Devenir nomade c’est vivre au quotidien le changement, développer en permanence ses capacités d’adaptation.
Retirer à n’importe quel humain tous ses repères le pousse dans ses retranchements. Ne reste alors que la nature pure de la personne. Je voulais savoir qui j’étais, dans mon essence, hors de tout contexte habituel, pour mieux orienter mon projet de vie.
Je n’étais pourtant ni perdue ni triste dans ma vie : j’avais un CDI dont les missions me passionnaient (accompagnement à la réinsertion de publics sous main de justice), j’étais proprio d’une maison en région parisienne pas loin de mon travail, dans laquelle j’aimais vivre et m’étais beaucoup investie, et j’avais une vie sociale riche et diversifiée.
Pourtant en vivant ainsi (boulot, emprunt à la banque et autres factures, sédentarité et vie urbaine…) je n’arrivais pas à me sentir en accord avec mes aspirations d’autonomie, d’écologie, et de bien-être personnel à partager au pluriel.
Alors j’ai lâché mon CDI, vendu ma maison et appris à vivre loin de tous les proches qui me sont si chers.
Si je peux le faire, chacun le peux. Même sans une thune, celui ou celle qui veut vraiment voyager, le peut. C’est toujours et avant tout une question d’envie, de rêve, d’aspiration. Il faut vivre ses rêves, pas rêver sa vie. Et c’est possible, à partir du moment où on en fait le choix, qu’on s’en donne le temps et les moyens.
Néanmoins ça m’a pris pas mal d’années avant de vraiment sauter le cap de lâcher tout ce que j’avais durement construit.
Et puis j’ai fait le point sur tout ce qui pouvait être un frein à mon rêve. Quand on pense à tout lâcher, y a des trucs tout cons et qui pourtant peuvent paraître insurmontables sur le moment : genre mes plantes. Ce fût un crève-cœur de les donner à des amies et des sœurs. Et c’est évidemment un détail par rapport aux responsabilités pro, engagements familiaux, liens amicaux et amoureux sur lesquels il a fallu faire une croix.
Et alors, quels étaient tes freins ?
L’argent, le temps, mes engagements et responsabilités en France ; l’éloignement prolongé avec mes proches. Le fait d’être une jeune femme seule, qui n’avait que quelques notions d’anglais et d’espagnol très approximatives. Ma timidité, et mon côté « sauvage social ». Mon manque d’organisation. Ma jeunesse, mon ignorance, ma naïveté, mon manque de confiance en moi ; toutes sortes de peurs…
Comment as-tu levé ces freins ?
Un à un, petit à petit.
C’est avant tout une question d’envie et de choix. J’avais l’envie de voyager, puis de vivre autrement. Je ne voulais pas me sentir bloquée, freinée, restreinte par mes peurs, je préférais les affronter et trouver des solutions pour les surmonter.
On n’a qu’une vie, on ne sait jamais de quoi est fait demain, je n’avais pas envie d’avoir le regret de ne pas avoir osé. Je préférais me tromper et tout recommencer, mais avoir au moins essayé.
Donc je m’en suis donné les moyens, à chaque voyage d’une manière différente, m’adaptant et expérimentant. Le matériel n’est pas l’essentiel, et il y a plus de solutions que de problèmes.
J’ai pas d’argent ? bah je trouve un deuxième boulot, je fais du black, je dépense le strict minimum. Puis je quitte mon boulot, je fais un bisous à tous mes proches et je vais me balader où bon semble, le temps qu’il me plait, du moins celui que je suis arrivée à m’octroyer.
Personne pour m’accompagner ? Bah j’y vais seule, et j’avise sur place comment je le gère. Et j’adapte mon type de voyage selon toutes sortes de paramètres (durée ; distance ; en solo ou accompagnée ; lieu ; but/ activité ; budget ; coutumes/ traditions/ cultures ; météo/ climat/ relief…).
Les peurs, ça se travaille, et plutôt que d’y être soumise, je préfère les affronter et me surpasser pour évoluer.
L’adaptation aussi se travaille, en sortant de sa zone de confort pour explorer d’autres horizons.
Pour l’argent, jusqu’à mes 26 ans je ne payais que 10% du prix des billets d’avions (ma mère avait été hôtesse de l’air pendant 16 ans), ce qui m’a aussi grandement motivé à partir, pour profiter de cette opportunité formidable et découvrir le monde par moi-même. J’ai commencé à travailler très jeune.
Une fois arrivée dans un pays, je me contente du strict minimum pour le quotidien, qui bien généralement coûte moins cher qu’en France. Et il y a plein de manières différentes de voyager pas cher.
En Argentine, où le coût de la vie est élevé, j’ai dormi tout du long dans ma tente, le plus souvent possible en camping sauvage, prenant des douches quand je le pouvais dans des ruisseaux ou des douches dans des aires de repos pour camionneurs. Je me suis déplacée sur près de 6000 km exclusivement en stop, et j’ai mangé principalement du pain trempé dans de la « dulce de leche » : bref un séjour qui ne m’est pas revenu cher au final.
À l’automne dernier, pour apprivoiser ma nouvelle maison (une camionnette Renault Master), je suis partie de France avec et suis montée au-delà du cercle polaire arctique, en passant par le Danemark, la Suède et la Norvège à l’aller, et par la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Littuanie et la Pologne au retour. J’avais fait l’intégralité de mes courses alimentaires en France avant le départ, je n’ai dormi que dans mon camion (malgré l’absence de chauffage et d’isolation et des températures négatives), et me suis lavée dans les ruisseaux (glaglagla)….
Bref là encore un voyage de 2 mois dans des pays chers mais qui ne m’a coûté que l’essence dont j’avais besoin pour avancer avec mon camion.
Ta plus forte émotion ?
Je ne saurais pas dire laquelle a été la plus forte tellement j’en ai eu :
J’ai pleuré de joie en nageant juste au-dessus d’une baleine à bosses ; j’ai cru que j’allais mourir plus d’une fois et eu très peur (genre une mauvaise chute alors que je faisais le GR20 seule en autonomie complète, où je me suis fêlée 2 côtes, mais j’ai eu beaucoup de chances de pas me tuer) ; j’ai été malade comme un chien, me suis blessée bien des fois, j’ai été hospitalisé encore il y a quelques mois en Thaïlande. Et en novembre dernier j’ai passé un mois à galérer avec des béquilles au Maroc après une chute d’escalade.
J’ai pleuré de tristesse devant des situations humaines trop précaires et injustes ou devant des désastres écologiques ; j’ai été envahie d’une colère noire devant des violences sur enfants, femmes ou animaux. J’ai passé des nuits blanches parce que j’avais peur de l’environnement dans lequel je dormais. Je suis tombée amoureuse. J’ai rencontré des personnes formidables ; j’ai passé des heures à m’émerveiller devant les beautés et diversités du monde… bref tout un panel d’émotions en tous genres.
Ta plus belle rencontre ?
J’en ai eu beaucoup, de différentes natures. J’ai été touchée par tellement de personnes ! Tellement d’humains juste gentils, accueillants et bienveillants, qui m’ont spontanément invitée à partager leur repas et même à rester dormir chez eux, alors qu’ils vivaient dans un grand dénuement. Et pourtant, ils me semblaient plus souriants, riant facilement, profitant pleinement de joies simples de la vie, dans le partage sans superficialité. Ces personnes m’en ont plus appris sur la vie en quelques heures que ce que j’aurais pu comprendre en des années d’études.
Une fois, perdue au fin fond du Nicaragua, seule alors que la nuit tombait, j’ai été hébergée et nourrit gratuitement par Carla, qui m’a dit qu’elle ne voulait pas me laisser repartir seule à pied dans la forêt de nuit. Elle et son mari sont partis dormir chez des cousins et m’ont laissé leur lit, j’ai ainsi dormi avec leur enfants, sur une planche de bois posée sur de la terre battue. Les murs étaient faits de branches, le toit en tôle. J’ai passé une merveilleuse soirée à les écouter chanter, jouer de la guitare et rire simplement. Ils n’avaient rien ou pas grand-chose, et ont tant partagé avec moi. C’est la première fois où je me suis sentie si honteuse d’avoir peut être plus d’effets personnels dans mon sac à dos qu’ils n’en avaient dans toute leur maison pour toute la famille.
C’est à ce moment-là qu’a commencé à germer en moi l’idée de vendre ma maison, donner tous mes meubles et effets personnels et ne garder que quelques fringues (et mon matos d’escalade) pour toute possession.
Une anecdote de voyage ?
J’ai dormi je ne sais combien de nuits dans des aéroports, des gares et autres lieux publics, et à chaque fois je me trouvais un petit recoin caché pour dormir sur mon sac.
Mais une fois, à Toronto, j’étais la seule dans le terminal de bus, toute la nuit. Les femmes de ménage avait tout nettoyé avant de partir. Même les mecs de la sécurité étaient partis. Ils avaient tout fermé à clé, et m’avaient autorisée à rester dormir au chaud. J’étais restée seule dans ce grand hall de gare routière, je me baladais dedans en chaussettes comme si j’étais à la maison. C’était plutôt surréaliste comme situation. Improbable et plutôt amusant… jusqu’à ce que tous les SDF et toxicos du coins tentent de rentrer dans le terminal. Il faisait un froid terrible dehors, j’avais un peu l’impression d’être entourée de zombies, seulement protégée par des vitres. Et pourtant si j’avais pu je leur aurait ouvert la porte pour qu’ils puissent eux aussi bénéficier d’une nuit gratis au chaud.
Si c’était à refaire ?
Sans doute que je me mettrais plus tôt aux sports de plein air (marche, vélo, escalade…), et je choisirais d’apprendre un métier manuel, d’artisanat, qui me permette de travailler dans tous les pays du monde facilement, pour ne pas juste y voyager, mais y vivre quelques temps, et essayer de me rendre utile. Je sais pas, genre par exemple en nettoyant les lieux naturels où je passe, de tous les déchets plastiques et autres que je peux ramasser. C’est quelque chose que je pratique de plus en plus systématiquement.
Un conseil pour ceux qui hésitent à voyager ?
Cette anecdote illustre bien qu’il n’y a pas de problème, mais plein de solutions. Faut oser, faut tenter, garder le sourire et prendre un minimum de précautions, et tout ira bien ! La très grande majorité des humains sont gentils. Voyager permet d’en apprendre tant sur soi et le monde, de rencontrer tellement de belles personnes et de découvrir des paysages à couper le souffle… au début j’avais un peu peur de tout, maintenant je m’adapte à toutes situations, tout environnement, je me satisfais de très peu et en suis heureuse.
J’ai appris à aimer être seule, autant qu’à rencontrer de nouvelles personnes (moi qui était d’une timidité maladive).
Partir voyager fut la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie.
JE REMERCIE MON AMIE HÉLOÏSE POUR CE PARTAGE D’EXPÉRIENCE, RACONTÉ AVEC LE COEUR.
Ces étapes, ces reflexions, ces pensées autour du voyage sont des démarches personnelles. Tout vient de nous, de nos envies et de nos motivations. Le plus important, est d’être en adéquation avec nous même, et que nos décisions de vie soient alignées avec nos besoins intérieurs. Écoutons nous, la vérité est en nous.
Merci pour votre lecture. Commentez et/ou partagez à votre tour vos propres expériences.
À très vite les Globe Cro’coeur.